Alter'Mag Alter'Mag 3

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Page 20 : Alter'Mag 3

Le tournage de ce film a duré plus d’un an. C’est clairement lié à la nature du projet et à la façon de construire cette narration. Un homme, les mains dans la pâte, fait remonter des souvenirs anciens. Il convenait que le réalisateur ait le temps de cette confrontation intime et puisse, dans le calme et la solitude de son atelier, convoquer et surtout rendre compte de ce sentiment amoureux enfoui pendant trente ans.Durant le parcours de Jasmine, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), le Centre National du cinéma (CNC), l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), nous ont tendu la main et ce film a pu exister grâce à ces institutions. Derrière ces sigles ce sont surtout des personnes qui nous ont soutenu, encouragé, aidé, supporté et qui ont contribué à faire exister ce film qui, chose rare dans le cinéma apu se faire chemin faisant. En août 2009, William Benedetto, Jean-Pierre Daniel et toute l’équipe du Cinéma l’Alhambra nous ont bien accueilli. Derrière l’écran nous avons construit cette immense ville en polystyrène ! Le décor n’a jamais été détruit et se trouve toujours à l’Alhambra, car l’idée de William Benedetto, le directeur du cinéma, est de montrer aux spectateurs, les décors de « Téhéran » au moment de la sortie du film.Le réalisateur a tourné d’avril 2009 à septembre 2010, mais a continué également pendant le montage, car au fil de l’avancée du récit, quelques plans manquaient, d’autres émergeaient, devenaient évidents, il fallait les tourner... Alain Ughetto vient de la pellicule film, il a dû, au fur et à mesure que le tournage avançait, se former entièrement aux nouvelles techniques numériques pour les prises.Il y a eu beaucoup d’essais, de recherches, pour la lumière, le travail d’incrustations, les séquences en mouvement, etc…Le tournage a été fait non pas sur la base d’un story-board, mais sur une intention.Bernard Vezat a conçu le décor général, Pierre Benrizem, le directeur photo a conçu une lumière globale et formé Alain à la lumière. Alain, passé lespremiers temps de la mise en place de ce dispositif, est resté seul dans son atelier et déplaçait les décors et les lumières pour chaque plan. Le tournage s’est fait image par image, à raison de 25 images par seconde avec, pour ce film, 2910 plans mis en boite.Pas de moule, à chaque plan, il faut remodeler les personnages de pâte, pour que la chaleur des doigts se répartisse dans toute l’épaisseur de la matière. Ainsi il peut animer les bonshommes sans qu’ils se cassent. Plusieurs modelages par personnage, des gros pour les plans serrés, des plus petits pour les plans larges. Certaines séquences, plus compliquées techniquement demandent d’y revenir, de refaire, de reprendre, de recommencer.Les aérogrammes bougent et flottent ; il a fallu de nombreux essais de matières pour donner du poids à l’enveloppe et aussi et surtout en ajoutant des couches de papier aluminium pouvoir animer l’aérogramme image par image.Toutes les séquences avec les turbans, ont été très longues à mettre en place. Le budget étant très serré, un turban en volume a été fabriqué.Pour chaque plan de turban, il a fallu 6 photos (une fixe, deux qui semblent « respirer », deux qui semblent « souffler » et une immobile) et triplerchacune avec des prises de vues faites sur 3 axes différents (dessus, profil, face).Pour l’ensemble des séquences en mouvement, les personnages ont été photographiés et animés sur fond vert, toujours sur 3 axes différents (dessus, profil et face), puis ils ont étés incrustés dans le décor photographié sous les mêmes trois axes. Dans la production d’un film d’animation «normal», sur le plateau de tournage, plusieurs équipes de techniciens se relaient autour de plusieurs postes de travail où interviennent successivement décorateur, chef opérateur et animateurs. Tous suivent un scénario très construit ou un story-board élaboré.Là, un homme enfermé seul dans son atelier raconte. Les doigts dans la matière, il fallait le voir modeler, au travail... Dans la pâte, Alain voulaittémoigner d’un moment amoureux. Il voulait que cette main en même temps qu’elle modèle la pâte, masse sa mémoire endormie. Il voulait que toutsoit vu ou puisse l’être. Afin d’aller vers plus de cohérence pour raconter cette histoire vécue, il était naturel qu’Alain fasse tout tout seul ou le plus possible. Quand ce bricoleur raconte, il utilise tous les objets qui se trouvent à sa portée, ventilateur pour les hélicoptères, projecteur pour le départ du bonhomme vers «Téhéran»... Alain voulait que l’on puisse voir le travail de sa main dans la pâte, jusqu’aux traces laissées par ses empreintes digitales.Chaque soir, Alain montait les images animées tournées dans la journée puis ajoutait des plans à tourner le lendemain en fonction de ceux déjà montés jusqu’à en arriver à construire une séquence. Pour la voix masculine, nous avons longtemps imaginé jouer la cohérence en utilisant celle d’Alain puisqu’il racontait son histoire. Mais il a essayé, seul, puis avec une partenaire, avec un coach, rien ne fonctionnait, c’était la fausse bonne idée.