Les dossiers de presse Entrelacs, Martine Cieutat

La créatrice de tissu brodé Martine Cieutat nous présente ici "Entrelac", un travail conçu en Syrie pendant les événements du printemps 2012.

Page 13 : Entrelacs, Martine Cieutat

La femme qui pleure Texte de Nathalie Leleu, historienne de l’art et Blandine Savrda, commissaire d’exposition Les traces historiques du tissu brodé comme transition symbolique fourmillent dans le patrimoine de l’Humanité, au passé comme au présent. Ce n’est donc pas un hasard de voir cette notion persister dans l’œuvre de Martine Cieutat qui superpose et juxtapose des fragments visuels de plusieurs natures. Du Sénégal, de l’Algérie et des Pyrénées de son enfance, à Paris, ville de la maturité où elle étudie aux Arts Décoratifs, puis à la Syrie, désormais terre d’attache, Martine Cieutat a cherché à distinguer les icônes derrière les images. Mémoires d’enfance, traces d’ambiance, regards transfigurés de femme adulte s’entremêlent donc avec des personnages et des signes qui semblent émerger de fouilles archéologiques ou de ruines d’un passé guerrier que l’on croyait révolu. Alors que Martine Cieutat concevait ses tentures, la Syrie devenait terre de combat. Par-dessus les murs de la maison arabe, l’écho des tensions s’est immiscé dans la composition de ses broderies et l’assemblage de ses pièces d’étoffes venant s’agréger à son chagrin devant la dévastation de son pays d’adoption.   Entourée de fragments de textiles dans son atelier damascène, Martine Cieutat imagine  des graphismes, puis des motifs qui structureront la composition finale de sa tenture et en rythmeront la perception. Du trait au fil le pas est franchi. La toile de fond accueille des pièces de tissus de divers grammages qui ont été au préalable sérigraphiés avant d’être assemblés. Á ce stade intervient la maturation de l’imaginaire et de la création finale. Certains essais s’enfouissent sous l’épaisseur de la matière, sorte de palimpseste qui laissera transparaître un premier geste artistique, comme une première écriture. Ensuite interviennent les broderies mécaniques qui soudent l’ensemble. La variation des couleurs de fils renforcent la sensation de pénétration dans ce corps composé de toiles superposées. Les broderies se font couture et animent la tenture d’un mouvement vertical qui court sur le lai à la cadence de l’aiguille. Ce travail n’est possible que grâce à la relation étroite qu’entretient depuis vingt ans Martine Cieutat avec les ateliers de sérigraphie et de broderie de Samer et Fadi Batbouta à Damas. L’essor de la mécanisation de l’industrie textile a transformé les techniques de production de la broderie. Au travail manuel de l’artisan a succédé la mise en œuvre informatique puis mécanique des maquettes restituant la broderie aux assemblages. C’est ainsi que des kilomètres de fil sillonnent à toute allure chaque tenture et fixent dans le temps un instantané du regard intérieur de la femme qui pleure.