Après avoir joué en groupe au sein de votre formation Simpaflûte, vous revenez en solo pour ce nouveau projet musical présenté en concert au Sunset le 23 mai. Pouvez-vous nous en expliquer la genèse ?Simon Winsé : Tout est parti d’une rencontre musicale avec le violoniste Clément Janinet et le musicien congolais Rido Bayonne, fondateur du Jazz Orchestra du Burkina, au Festival Jazz à Ouaga en 2005. Clément Janinet et moi avons vraiment aimé jouer ensemble. Après le Festival, nous avons gardé contact et avons commencé à nous envoyer des sons, des rythmes, des mélodies… Nous nous sommes ensuite retrouvés à Paris pour travailler. C’est ainsi que de nouveaux titres ont vu le jour. 5 questions à Simon Winsé, chantre de la culture Samo Multi-instrumentiste burkinabé, Simon Winsé fusionne avec brio la musique traditionnelle Samo et les grands courants musicaux internationaux que sont le jazz, le blues et le rock. Rencontre avec un musicien étonnant, ancré dans les racines d’une histoire musicale burkinabé millénaire, celle du conte musical. Après avoir joué en groupe au sein de votre formation Simpaflûte, vous revenez en solo pour ce nouveau projet musical présenté en concert au Sunset le 23 mai. Pouvez-vous nous en expliquer la genèse ? Simon Winsé : Tout est parti d’une rencontre musicale avec le violoniste Clément Janinet et le musicien congolais Rido Bayonne, fondateur du Jazz Orchestra du Burkina, au Festival Jazz à Ouaga en 2005. Clément Janinet et moi avons vraiment aimé jouer ensemble. Après le Festival, nous avons gardé contact et avons commencé à nous envoyer des sons, des rythmes, des mélodies… Nous nous sommes ensuite retrouvés à Paris pour travailler. C’est ainsi que de nouveaux titres ont vu le jour. Un jour, alors que nous répétions, les organisateurs du festival Sun Art de Pertuis (Festival de musiques africaines installé dans le Vaucluse, ndlr), très enthousiasmés par notre musique, ont décidé de nous donner un coup de pouce pour nous faire tourner sur plusieurs dates. On a par exemple fait la première partie de l’Orchestre national de Barbès en 2011, ainsi que sur d’autres scènes, jusqu’à cette résidence artistique dans le cadre du Festival Africolor en 2013. En tant qu’artistes invités, nous avons profité de ce temps pour développer et peaufiner notre projet artistique, sous l’œil attentif du grand Cheick Tidiane Seck. C’est ce projet ainsi finalisé que vous pourrez entendre au Sunset. Vous êtes multi-instrumentiste mais ce qui est frappant chez vous c’est votre préférence pour les instruments traditionnels ouest-africains : le ngoni, la kora, la flûte peulh, l’arc-à-bouche que vous maîtrisez parfaitement. Faire connaître au grand public ces instruments vous tient particulièrement à cœur… Simon Winsé : Vous savez, l’arc-à-bouche ou « lolo » en samo (langue des Samo au nord du Burkina Faso, ndlr) est en voie de disparition dans mon village, à Lankoué (dans la province du Sourou, au nord du Burkina Faso, ndlr). Les jeunes n’en jouent plus car lorsqu’ils en jouent, les filles se moquent d’eux. Ils passent pour des « villageois ». Ils ont donc honte de jouer de cet instrument qui n’est plus du tout à la mode. Or, si les jeunes ne jouent plus, c’est la mort de l’arc-à-bouche ! Il faut donc au contraire valoriser cet instrument et montrer qu’il peut très bien être mis au goût du jour en se mêlant aux musiques qu’écoutent les jeunes : la pop, le jazz… Les musiques actuelles. D’où le métissage avec le violon de Clément dans ce projet. L’arc-à-bouche est un instrument spécifique de votre région d’origine, le pays San. Quelle est sa fonction ? Simon Winsé : Il accompagne les contes en général… Mais il a une fonction particulière à la saison des récoltes de maïs. A cette période, les jeunes travailleurs se retrouvent autour du feu le soir pour se détendre. C’est à ce moment-là que l’arc-à-bouche se met « à parler ». Comme le langage du tam-tam, il discute avec les jeunes. Par exemple, il s’en prend au travailleur paresseux, celui qui rentre de la fin de la récolte avec peu de maïs et qui dit à sa femme : « chérie, faut pas gâter mon nom… l’année prochaine je travaillerai davantage, je ramènerai beaucoup de maïs.. ». Et qui, l’année suivante, bien-sûr, ne travaille pas davantage ! L’arc-à-bouche est là pour s’adresser à ce paresseux, l’indexer en quelque sorte afin que tout le village soit informé. La honte qu’il ressentira lui donnera enfin le courage de travailler ! On appelle ce rythme le rythme « dandaga », qui signifie « la fête du village » ou plutôt « la fête des gens qui travaillent », en opposition aux paresseux, qui eux, n’ont que la bouche et ne font rien ! On joue également de l’arc-à-bouche lors de matchs de lutte qui généralement se déroulent en musique, avec des percussionnistes et des joueurs de « lolo ». Dans quel contexte avez-vous appris à jouer de tous ces instruments ? Êtes-vous issu d’une famille de musiciens ? Simon Winsé : Je suis né dans une famille de musiciens : mon père est flûtiste, il joue de la petite flûte de masques. Il joue aussi du ngoni, le petit ngoni que l’on appelle chez nous « kunde ». Il jouait cela au village pour les mariages. C’est avec lui que j’ai appris à jouer de la flûte de masques, réservée aux initiés. On ne la joue que pour les funérailles et pour la fête des masques. C’est une fête qui remercie les éléments : la terre, le ciel, l’eau, afin que la pluie tombe et que la récolte soit par conséquent riche. J’ai également appris dans ma jeunesse à jouer de la flûte « bergeuse », celle que joue le berger qui garde son troupeau. Ensuite, une fois à Ougadougou, j’ai joué avec mon grand frère, Tim Winsé (célèbre instrumentiste burkinabé, ndlr), qui joue de la kora et du ngoni et qui m’a initié à l’apprentissage de ces instruments. Il a d’ailleurs appris la kora avec Toumani (Diabaté, ndlr). Ce qui est drôle c’est qu’en échange de ces leçons, il devait enseigner l’arc-à-bouche à Toumani. Or, au final, lui, a appris à jouer du ngoni mais Toumani n’a jamais réussi à jouer de l’arc-à-bouche… (Rires). Vous chantez en samo mais également en mooré et dioula, les deux autres langues majeures du Burkina Faso. Que racontent vos textes ? Simon Winsé : En tant que musicien samo, j’ai grandi dans la tradition du conte. Chez nous, c’est une catégorie musicale en tant que telle. La musique accompagne l’histoire contée, la soutient, la rend palpable. En tant que compositeur, je travaille énormément avec des conteurs et des metteurs en scène. Pour ce qui est des textes de mes chansons sur ce nouveau projet, ils évoquent l’amour sous forme de poésies et des thèmes qui me sont chers comme les mauvais traitements à l’école et les inégalités hommes/femmes. Mes chansons racontent par exemple des moments de mon enfance où, à l’école, les professeurs frappaient violemment les élèves qui ne parlaient pas correctement le français. Dans le titre « Barka boma » qui signifie « merci beaucoup », je rends hommage aux femmes et les remercie pour leur bonté et leur courage. Certaines chansons me sont également inspirées par le langage des masques de chez nous, ses vibrations spirituelles, ses adages. L’important pour moi dans la musique est de toucher une personne, de susciter un sentiment de bonheur chez elle. Quand on joue au village, les gens éprouvent une joie telle qu’ils oublient tous leurs soucis. C’est ce sentiment que je veux provoquer chez mon public ! KPG, forgeron des temps modernes « Il faut réfléchir avant de parler, sinon ta langue qui est chair coupera ta tête qui est os « Il aurait pu devenir ministre, du moins c’était le souhait de sa famille. A la place, KPG préfère raconter des histoires mêlant tradition et modernité avec beaucoup d’humour et de sagesse. Dans le village de Saanba, les gens écoutent le son du marteau autour de la forge et les histoires racontées sur la place. C’est dans cette atmosphère que Kientega Pingdewinde Gerard dit KPG a grandi. Depuis tout petit, il a suivi les enseignements de son père qui était orateur de masques sacrés, c’est-à-dire qu’il était initié au langage des masques et faisait office de lien entre le peuple et le monde de l’invisible. Devenir conteur n’était pourtant pas une évidence pour lui, d’autant moins que sa famille le poussait à choisir un métier stable, ministre ou administrateur. Le théâtre joue un rôle déclencheur. « Un jour, on a voulu monter une pièce sur le thème de la femme, raconte KPG. Comme mes amis savaient que je connaissais des histoires, ils m’ont demandé de l’écrire et ça a plu ». Plutôt que la politique, la scène devient alors son moyen d’expression. Forgeron des temps modernes pour qui le verbe a remplacé le fer, KPG insiste sur la force et la puissance des mots : « Il faut réfléchir avant de parler, sinon ta langue qui est chair coupera ta tête qui est os », clame-t-il dans l’un de ses spectacles. Il reste attaché aux valeurs qui lui ont été inculquées et qu’il veut à son tour transmettre. L’humain est au coeur de ses réflexions. A travers ses contes, accompagné par la musique, il aborde des sujets tels que l’environnement, les conditions de vie des enfants et le respect. Vous pourrez le découvrir cet après-midi dans le conte pour enfants « Le monstre du village » à l’Espace BZZ. KPG voyage beaucoup pour donner des représentations. Malgré sa notoriété, il reste très humble et garde la tête sur les épaules. Lorsqu’on lui demande ce qui le différencie des autres conteurs, il répond, presque gêné : « C’est très difficile pour un chien de lécher la plaie qui est sur sa tête, donc il m’est difficile de répondre à cette question ». Sa famille, elle, est fière de sa réussite et KPG a toujours une pensée pour son père qui lui donnait sa bénédiction avant chaque départ. Papa à son tour, peu lui importe ce que sa fille choisira de faire mais une chose est sûre, il lui transmettra son savoir pour raconter des histoires. Marine Laffont